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Éloge du crime
« Cette notule de Karl Marx fut écrite entre 1860 et 1862, soit une dizaine d’années avant la naissance d’Alfred Jarry, père (dit-on) de la ’pataphysique. Ses éditeurs l’ont incorporée dans “la Théorie de la plus-value”, tome IV du Capital. Le titre sous lequel elle est présentée ici est celui du traducteur. »
La première édition de ce texte a paru en 1976 à l’enseigne de la librairie Tschann (Paris), qui nous a aimablement autorisé à le reproduire ; qu’elle en soit ici remerciée, ainsi que le traducteur, D. Jon Grossman.
Extrait
Le philosophe produit des idées, le poète des poèmes, l’ecclésiastique des sermons, le professeur des traités... Le criminel produit des crimes. Si on regarde de plus près les rapports qui existent entre cette dernière branche de production et la société dans son ensemble, on reviendra de bien des préjugés. Le criminel ne produit pas que des crimes : c’est lui qui produit le droit pénal, donc le professeur de droit pénal, et donc l’inévitable traité dans lequel le professeur consigne ses cours afin de les mettre sur le marché en tant que « marchandise ». Il en résulte une augmentation de la richesse nationale, sans parler de la satisfaction intérieure que selon le professeur Roscher, témoin autorisé, le manuscrit du traité procure à son auteur.
Plus : le criminel produit tout l’appareil policier et judiciaire : gendarmes, juges, bourreaux, jurés, etc., et tous ces divers métiers, qui constituent autant de catégories de la division sociale du travail, développent différentes facultés de l’esprit humain et créent en même temps de nouveaux besoins et de nouveaux moyens de les satisfaire. La torture, à elle seule, a engendré les trouvailles mécaniques les plus ingénieuses, dont la production procure de l’ouvrage à une foule d’honnêtes artisans.