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Tirage limité à 99 exemplaires. Trois lithographies de Ramón Alejandro.
Attention! seulement 4 exemplaires numérotés HC disponibles.
Une des deux lithographies intérieures de Ramón Alejandro.
La troisième forme la couverture.
Extrait
Je fis, en novembre 19.., une communication au Congrès international de typographie, réuni cette année-là à Mayence dans le cadre de grandioses manifestations en l'honneur de l'inventeur de l'imprimerie.
La Bibliothèque municipale d'Angers avait eu l'obligeance de me confier son rarissime exemplaire du Psautier ; j'en profitai pour glisser quelques impertinences sur Fust et Schoeffer qui ne furent guère appréciées de mes éminents et barbants confrères.
J'avais hâte de quitter cette ville et l'élocution compassée des érudits. De retour à mon hôtel, on me remit une enveloppe. La suscription en était calligraphiée à la manière ancienne qu'affectionnaient les lettrés allemands d'avant-guerre. Une vague odeur de poussière s'en dégageait et j'eus la curieuse impression que cette missive — qui allait m'entraîner dans une bien étrange aventure — m'était adressée d'une époque antérieure à ma naissance comme le signe, indéchiffrable mais manifeste, d'une coïncidence poétique. Je fus presque une heure avant de me décider à ouvrir l'enveloppe.
Elle contenait un demi-feuillet de papier jauni, sur lequel la même main avait tracé ces quelques lignes :
« Si l'atmosphère de Mayence vous semble trop pesante, venez à Francfort. Notre passion commune pour John Baskerville nous permettra de passer d'intéressants et agréables moments. »
Suivaient un nom — Johann Ernst Fuchs — et une adresse: Patrizestrasse, 428.
Deux heures après, je sonnais à la porte d'une petite maison d'un quartier résidentiel de Francfort. Une gracieuse jeune fille vint m'ouvrir.
— Grand-père vous attend, me dit-elle dans un français impeccable. Ne le fatiguez pas trop...
Son entrain et sa gaieté naturelle tranchaient sur l'aspect vieillot de la demeure. Elle me conduisit auprès d'un homme âgé, qui se tenait debout à sa fenêtre, suivant des yeux, rêveusement, un vol de moineaux.
— Les oiseaux utilisent une forme d'écriture, savez-vous ? Leur façon de voler, de se poser — isolés ou en bande, — tout est chargé de symbole et de mystère. Les traces en sont, bien sûr, éphémères. Mais que restera-t-il de nos écrits dans deux mille ans ?
Johann Ernst Fuchs se détourna alors et son œil malicieux se posa sur moi.
— Sur la côte de Vendée, répondis-je, on peut voir l'empreinte des grands sauriens du secondaire. On ne sait rien d'eux, sinon qu'ils aimaient marcher dans la boue.
Johanna, la petite-fille de mon hôte, nous apporta du thé, un singbulli que j'identifiai à son arôme de muscat. Le vieil homme m'observait tranquillement. Malgré cet accueil cordial, j'étais impatient d'en arriver à mon sujet de prédilection. Mon attente ne fut pas bien longue.
— J'aimerais vous montrer les 347 poinçons que mon aïeul, Johann Ernst Fuchs, parvint à distraire de l'envoi de La Hogue au banquier strasbourgeois.