Recherche avancée
Agenda
Aurore ou le Grand Cramoisi
Extrait
Aurore attend le Grand Cramoisi. Comme tout un chacun, elle a entendu murmurer par les herbes que le prince des premières ténèbres ne prend le jour que chamarré de regrets d'étincelles, marbré d'air pâle et, de la tête au pieds, jaspé de coulées de lune.
Aurore a des yeux d'outre-terre où s'agitent des colibris de caresses, un front d'absence cruelle et douce comme une ondée inattendue qui serait venue s'immiscer à la sieste de quelque marronnier égaré dans l'été.
- Le beau couple que cela ferait ! assure-t-on parmi les planètes.
Afin de meubler son attente d'un bas-relief de certitudes, Aurore tresse des genêts de lumière dans la chevelure des arbres avec des restes d'oiseaux enfuis, et elle fabrique de ses mains de mousse étoilée des vapeurs bleues qu'elle envoie comme des télégrammes à l'adresse de son bien-aimé. Mais le Grand Cramoisi a un bien fichu caractère de cratère endormi, et ses pieds sont si profondément enfouis dans la glu de la nuit qu'il ne peut comme il le voudrait — à moins qu'il ne le veuille point ? — s'enrouler de toutes ses lianes d'ombre à la nacelle du petit matin.
— Que faire ? se demande-t-on parmi les vivants et les morts.
— Il faudrait, propose le mirage, de temps en temps consulter le Temps en tant que tel, afin de ne point risquer de frustrer les merveilles qui nichent sous ses ailes de sable, en les privant du droit de décider elles-mêmes du destin de la Beauté.
— On pourrait, renchérit la marée, demander au Concile des vents de promulguer un arrêté visant à stopper net la lente saignée des heures...